Filip Chrétien invité de Dominique A
Cela fait bien longtemps que je ne me suis plus manifesté sur ce site. Parfois l’envie me prenait d’écrire quelque chose et de le soumettre à Sam et Yvan, et puis je me faisais rattraper par la vie, la paresse… La situation n’a que trop duré ! Régulièrement, des musicien.ne.s, ami.e.s, ami.e.s d’ami.e.s ou que je ne connais pas, m’envoient des liens vers des musiques qu’ils ou elles produisent. Et régulièrement, je me fais cette réflexion que ce que j’entends alors mérite d’être davantage exposé. Maintenant que plus que jamais les musiques indépendantes d’obédience pop rock chanson sont revenues à la marge, toute occasion de pointer un petit projecteur sur elles n’est pas à négliger. D’où le but de cette nouvelle rubrique mensuelle en direction de vos oreilles, sans commentaires de ma part, et assortie d’un questionnaire type.

Dominique A

 

Dominique A : Peux-tu nous donner quelques repères de ton parcours ?
Filip Chrétien
: Je suis né à Rennes en 1970. J’ai commencé à faire de la musique en 1985 dans un premier groupe du nom de « Tsagam ». J’étais fasciné à cette époque par tous ces groupes rennais tels que Marc Seberg ou Complot Bronswick (entre autres). Ces gens-là, qui étaient mes aînés d’une dizaine d’années, me faisaient rêver et ont beaucoup guidé mon adolescence. Je ne vivais que pour ça. Au début des années 90, j’ai rejoint « Marco Lipz » (en tant que guitariste), groupe signé quelques années plus tard chez « Trans-Records », le label des « Trans musicales » fondé par Jean-Louis Brossard et Hervé Bordier. Nous avons beaucoup joué en France dans les salles et les festivals. Le groupe s’est arrêté à la fin des années 90. Cette période a beaucoup compté pour moi. Je n’ai plus fait de musique pendant les quelques années qui ont suivi. J’avais besoin de faire une pause. En 2004 j’ai recommencé à écrire et à composer. J’ai sorti deux albums sous le nom de Filip, un projet resté très confidentiel. Je crois que j’avais un peu « le cul entre deux chaises », entre le rock et la chanson, et j’étais un peu perdu avec tout ça. En 2014 j’ai demandé à mon Frère Nicolas de m’aider à travailler sur un nouveau projet plus épuré, davantage « chanson ». Ainsi naissait l’album « Dia a dia » que j’allais présenter cette fois-ci sous mon patronyme. J’ai été très heureux de l’accueil de ce disque par certains médias : j’avais enfin l’impression avec cet opus d’avoir trouvé un « petit » public. Ça avait l’air de parler aux gens. À partir de ce moment, les albums se sont enchaînés : « Les traces » en 2016, « Devant » en 2019 puis le dernier en date « Entre nous et la lumière ». J’ai le sentiment de progresser d’année en année et ça me donne vraiment l’envie et le courage de continuer à écrire, composer et partager mes chansons.  

 

Filip Chretien - Entre Nous Et La LumièreAs-tu une actualité, et si oui, laquelle ?
Le 5 novembre dernier est sorti mon album « Entre nous et la lumière*». Je l’ai produit avec mon complice Olivier Loas, avec qui je travaille depuis quelques années. Ce disque est très important pour moi. Il marque un moment significatif et douloureux de ma vie pour différentes raisons. Je l’ai dédié à mon ami poète-chanteur angevin Jean-Louis Bergère, qui nous a quittés le 26 avril 2021. C’est le fidèle Gilles Martin qui a fait le mixage. Il avait déjà mixé les deux précédents. On s’entend vraiment bien tous les deux. J’aime beaucoup travailler avec lui, il est patient et très talentueux. J’aimerais beaucoup défendre ce disque sur scène en 2022 si les occasions se présentaient, même si je suis conscient qu’il est très difficile de monter une tournée aujourd’hui lorsque l’on n’est pas accompagné par une structure.

 

Quelles sont tes références et que cherches-tu à faire musicalement ?
Mes références sont très diverses, je suis très curieux de tout, je n’aime pas me cantonner à un style en particulier. J’aime des artistes tels que Françoise Hardy, Etienne Daho, Dominique A (Forcément), Christophe Miossec, Bertrand Belin, Daniel Darc, Pierre Bondu, Philippe Katerine, Yves Simon, Alain Bashung, Serge Gainsbourg… Mais aussi des choses plus « indé » comme Mendelson, Chasseur, Lou, Valoy, Laetitia Shériff et beaucoup d’autres. Sinon, je suis un grand « fan » (quel vilain mot !) de Chet Baker, Leonard Cohen et du Velvet Underground. J’essaie de nourrir mon inspiration en écoutant le travail réalisé par tous ces artistes dont je trouve les créations très poétiques et très élégantes. Je cherche toujours à me rapprocher de cela. J’aime profondément apprendre des autres, que ce soit sur un plan personnel ou artistique.

 

Quelle place accordes-tu au chant et à la langue dans ce que tu fais ?
Je trouve, contrairement à certains artistes, que la langue française est très adaptée et d’une richesse infinie pour composer des chansons. La sonorité des mots est très importante pour moi, souvent plus que le sens. J’aime que l’on puisse se poser des questions à l’écoute d’une chanson. Moi-même il m’arrive parfois de ne pas tout comprendre lorsque je réécoute certains de mes propres textes (rires), mais est-ce vraiment le plus important ? On me dit souvent que ce que j’écris est poétique, ça me touche beaucoup, cependant je ne me considère pas comme un poète, comme pouvait l’être mon ami Jean-Louis Bergère. Une chose est sûre, au fil des années et des albums j’ai pris confiance en moi dans l’écriture et dans l’interprétation de mes chansons. Les deux sont probablement liés d’une certaine façon.

 

 

L’écriture, textuelle et musicale, est-elle ou non douloureuse pour toi ? Es-tu plutôt instinctif / instinctive ou laborieux / laborieuse ?
Pour tout avouer, il m’arrive très rarement de prendre une feuille de papier pour écrire un texte. La majeure partie du temps, je tourne en boucle des thèmes musicaux que j’ai préalablement enregistrés sur mon ordinateur, des maquettes plus que minimalistes à ce stade. Micro branché, j’essaie, d’une manière très spontanée et donc très instinctive, de chanter ce qui me vient comme ça, sur le moment, guidé par ce que m’inspire la musique. Mes chansons naissent le plus souvent sans avoir l’idée d’un sujet précis. Je travaille régulièrement sur plusieurs titres en même temps, et parfois il arrive que des éléments de deux chansons s’assemblent pour n’en former plus qu’une seule. Je construis comme ça. Un peu comme du Lego. Au moment où j’entends quelque chose qui me convient globalement, je peaufine le texte et la musique, seul, ou avec l’aide d’Olivier (Loas) qui sait m’embarquer dans des trucs auxquels je n’aurais pas pensé ou que j’entends (dans ma tête), mais que je ne sais pas jouer. 

 Filip Chrétien © Christophe David

De quelle façon le contexte de ces deux dernières années a-t-il eu une incidence sur ta façon d’envisager ton travail musical, sur le plan artistique et/ou financier ?
A l’été 2020, j’ai failli « jeter l’éponge », je n’arrivais plus à rien faire sur le plan musical. Je voyais tous camarades musiciens en souffrance et beaucoup d’entre eux en grande difficulté financière et morale. J’ai très mal vécu cette période comme beaucoup de gens. J’ai eu la chance de ne pas avoir été impacté financièrement par ce contexte car la musique n’est pas ma source principale de revenu. Ça a été un moindre mal pour moi, même si mes projets étaient en stand-by, ça n’était pas le plus important. Je pensais à toutes ces personnes dont c’était le métier et qui ne pouvaient plus l’exercer. Ça me rendait vraiment triste.

 

Envisages-tu ton activité sous un angle social et/ou politique ou uniquement artistique ? 
Artistique, oui, je crois. 

 

 

Qu’attends-tu du « monde de la musique » pour diffuser la tienne ? Idéalement, tu aimerais fonctionner dans quel cadre (contrat avec un label, en indépendant, en licence…) ?
Écoute…, c’est une question difficile pour moi. Je pense qu’il y a 20 ans je t’aurais répondu que je rêvais d’être signé dans un label. Aujourd’hui je n’en suis plus certain du tout. Déjà parce que je n’ai plus 20 ans (Rire) et que j’aime beaucoup trop ma liberté pour devoir des choses à des gens, que je ne cours pas après le « succès », et d’autre part parce que je ne suis plus certain qu’un label aujourd’hui ait la même vision du développement d’un artiste qu’il y a quelques années. Mais peut-être que je me trompe. Je ne sais pas. Cependant, sans parler d’un label, une petite subvention de temps à autre serait la bienvenue et m’aiderait éventuellement dans mes projets que j’auto-finance jusqu’ici. Peut-être que ça sera sur le prochain, qui sait. 

 

Penses-tu que la scène soit une finalité ?
Une finalité non, mais je pense qu’aujourd’hui c’est très important, malgré le fait qu’il soit très difficile de trouver des dates pour de nombreux artistes. La scène fait partie de la vie d’un disque il me semble. Même si ce discours est assez nouveau chez moi, je crois maintenant que jouer les chansons d’un album devant un public est très important, pour l’artiste comme pour le public. C’est un moment fort où on peut vraiment rencontrer les gens. 

 

On te propose 100000 euros pour produire ou diffuser ton art ? Qu’en fais-tu ?
Chouette ! Ma petite subvention !
Alors … Je ne sais pas moi ce que l’on peut faire avec cette somme. Une petite tournée avec mes musiciens dans des beaux Théâtres, accompagné d’un Orchestre symphonique, ça passe ou pas ? 

 

 

Dans quelle mesure penses-tu que la musique gagne à être commentée, faire l’objet d’articles, de livres … ?
C’est bien que les musiciens puissent avoir des relais en presse écrite que ce soit sous forme numérique ou sur papier. Je salue vraiment tous ces passionnés qui animent régulièrement leurs Webzines ou leurs blogs en parlant de nos disques. Ces gens-là ne sont, pour la plupart, pas des professionnels. Ils écrivent sur leur temps libre après leur journée de boulot. Je trouve ça admirable. Ils sont essentiels à mon sens pour faire exister notre travail.

 

Veux-tu ajouter quelque chose ?
Je voulais vraiment te remercier Dominique de m’avoir permis de m’exprimer sur ce site. C’est un très beau cadeau que tu me fais en mettant en lumière mon travail. Comme tu l’avais écrit dans nos premiers échanges, « J'aurais peut-être un petit truc à vous proposer, pas grand-chose ». C’est déjà beaucoup pour moi.
Et si je peux me permettre, je voudrais aussi remercier mes musiciens Pierre Corneau, Gilles Morillon, Olivier Gastel, Niko Boyer et Olivier Loas d’être toujours présents pour moi dès qu’ils le peuvent.


Plus d'infos sur Filip Chétien :
Lien vers le disque (boutique) :
bandcamp.com/album/entre-nous-et-la-lumi-re

Lien vers page FB :
facebook.com/filipchretienmusic/

*Distribué par « Coop Breizh » et « les disques normal » en coproduction avec « Lust 4 live »
Photos ©Marie Le Mauff et ©Christophe David

Concerts

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