L'heure de débroussailler, déblayer, de tâter le terrain. Premier mois de 2003, et déjà, loin l'état d'esprit, la bougeotte des ans passés, dont je pensais que j'aurais du mal à me défaire. Penses-tu.... De temps à autre, quelques lettres, coups de fils me renvoient à ces heures fortes, images prises sur les concerts, pour lesquelles je dois donner autorisation etc... Des propositions aussi, qui me font hésiter trois- allez quatre- minutes (Calexico me proposent d'ouvrir aux USA pour eux en février-mars, est-ce que j'aurais pu envisager de dire non quelques temps auparavant ?, les Oslo qui étaient partant pour d'autres concerts masqués). Mais non. Non. Je n'ai envie que d'écrire. Dont acte. En chantier : quelques chansons pour Françoiz Breut, Claire Pichet, une reprise de Ferré. Pour une compilation, une de plus, mais j'ai flanché cette fois, envie d'essayer de ne pas me prendre les pieds dans le tapis, avec une chanson que j'écoutais tout gosse quand mon
père la passait, "Mon camarade", avec dedans quelques phrases que j'affectionne particulièrement, un morceau pour une compilation d'Handicap International, avec thème imposé, un autre avec Philippe Poirrier (Kat Onoma), thème non imposé. Et puis pas mal d'ébauches, des idées, des simples et des balèzes. Avec "L'Imprudence" - eh oui, pas fini avec celui-là -, la barre a été révisée à la hausse, mais ne pas trop y penser sur le court terme, ne pas laisser perdre au piège de se mesurer à (faudrait avoir les moyens, déjà). Au passage, c'est un peu désespérant certains commentaires entendus sur ce disque, côté public (sur les airs conjugués de "c'est glauque" et "ça vaut pas Fantaisie Militaire"). Dès qu'on sort du binaire, pas à dire, ça complique la vie des gens. Poum Tchak, Poum Tchak, que de crimes commis en ton nom.
Côté disques, rien à conseiller, tout me tombe des oreilles en ce moment, plus ou moins. Globalement, quand même, l'impression que ça fourmille pas des masses, et que personne n'attend vraiment quelque chose. Dans ce contexte, désolé de vous dire que je trouve l'"Orange Amère" d'Enrico Macias vraiment pas mal. Celui qui a dit snob a gagné.
Repli sur le cinoche : "Le château dans le ciel" (magnifique, magnifique, avec des couleurs qui n'existent pas, des paysages où on voudrait marcher), "Plaisirs inconnus" (oui, bien, bien, mais moins fort que "L'Orphelin d'Anyang", pour citer un autre film chinois récent dans la même veine réaliste), "Japón" (très fort, très marquant, surtout après coup ; sur le moment, un peu agacé par le "héros", avec son visage buriné d'intello au bout du rouleau, et les clichés auteuristes, la lenteur obligatoire...) et "la vie nouvelle", de Grandrieux, sur lequel j'ai envie de m'étendre (la langue française a de ces expressions...) un peu. S'il faut s'étendre en l'occurrence, c'est sur un lit de clous. "Sombre", du même Grandrieux, m'a comme beaucoup, marqué, une vraie tentative aboutie de cinéma sensoriel, rarissime par chez
nous, avec un traitement visuel pas si éloigné de certaine images rattachées à des disques de trip-hop (pochette de Nearly God, par exemple, le deuxième disque de Tricky), donc très dans l'époque (à ce point qu'en le revoyant récemment, je lui trouvais un petit coup de vieux). D'ailleurs, hasard des hasards, Grandrieux a failli bosser avec Massive Attack pour un deuxième film non abouti. J'avais d'ailleurs trouvé ça un peu trop évident en l'apprenant. Avec "La vie nouvelle", fatalitas, pas de trip hop, mais du gothique en veux-tu en voilà, la caricature à la louche. Les rapports humains, plus encore que dans "Sombre", ne sont envisagés que sous l'angle des états limites, rapports ultra physiques, avec respirations oppressantes, échanges verbaux réduits à rien, et, encore, des mecs ultra violents qui
tabassent des femmes, des putes en général - pourquoi pas, me direz-vous, soit, mais pourquoi seulement ? - . Il y a la scène obligée du cabaret, la chanson lynchienne de rigueur, avec l'égérie néo-gothique de chez Chanel (guitares éverbérées ENAURMES du gars de Lift to Experience cela dit ; ça m'a fait penser au Neil Young de "Dead man" et au morceau hanté des sensationnels Crime and the City Solution dans "Les Ailes du Désir"), de l'expérimental virant parfois ringard - la danse techno hallucinée, Pitié... Cela étant, il y a, comme dans "Sombre", des plans incroyables, des images vues nulle part ailleurs. Les arbres sont magnifiques par exemple. Ça a l'air d'une galéjade mais non, personne à ma connaissance ne filme aussi bien la forêt, comme un paysage de conte où le loup rôde. De façon générale Grandieux filme superbement les lieux (il a plus de mal avec les humains). Et la scène en négatif est puissante, une idée de cinéma primitif. Mais bon, retournons la galette, il n'y a pas ici ce qui nous liait de façon très trouble aux personnages de "Sombre", à leur opacité ; à force de refuser la psychologie, on évacue l'humanité (c'est peu de le dire).
Refermons la page cinoche et ouvrons la page polémique à propos de choses issues de mes derniers "journaux de bord". Tout d'abord à propos du concert d'Allonnes, banlieue du Mans, fin novembre, les organisateurs ont fait savoir qu'ils n'ont pas apprécié mes commentaires d'après concert, comme quoi j'aurais été insultant à leur égard. Qu'on se rapporte aux propos incriminés : à part écrire qu'Allonnes est une banlieue tristos (je persiste), et que le public était mou (je signe), quoi d'autre ? Y-a-t-il de quoi crier au loup ? y a t il lieu de planter des épingles sur un gri-gri ? En est-on à ce point, que la moindre critique sonne comme une attaque en règle ? Il y en a qui ne trouvent que ce qu'ils ont envie de trouver.
Secundo, concernant ma "chronique" du dernier Katerine, il paraît que ça à déclenché un pataquès sur le site de ce dernier, sur le mode "tu parles d'un copain ...". Comme quoi, ce qui intéresse les gens, à l'heure du superlatif - roi et de la dithyrambique - reine, c'est la vacherie, ce sur quoi ils s'arrêtent quasi exclusivement. Et une vacherie rigolote, ils vous la peignent en noir, c'est existant. Il faut être un peu vicieux sinon c'est l'ennui, assuré pour toujours. Tout ce micro ramdam démontre au moins que les gens lisent ce qu'il y a sur le net, et réagissent davantage, c'est un constat, qu'à des articles de presse écrite. Avant, je faisais une interview dans un canard, j'étais mûr pour un procès en règle les deux semaines d'après minimum). Aujourd'hui, silence radio. Ce n'est pas quelque chose dont je me réjouis, je suis très friand de presse, mais c'est une réalité.
Pour en revenir à Philippe Katerine, dont je recommande donc chaudement le "Huitième ciel" (Brigitte Fontaine meets Vanessa Demouy meets Philippe Blanchard, donc), je l'ai revu il y a quelques jours, on a un peu traîné. Comme c'est une crème, ce type (si loin de ce que l'on peut imaginer d'après interviews-photos), il ne m'a pas sauté dessus avec cette histoire, il m'a laissé finir ma bière avant de m'en toucher deux mots. Même s'il a eu la délicatesse de ne pas me le dire, j'ai senti que ça lui avait fait un peu de peine cette histoire, ce qui m'a fait à mon tour un peu de peine (de chochotte à chochotte, les vases communiquent).
En parlant de chochotte, tiens, pour finir, une petite citation glanée par un heureux hasard dans le numéro de fin d'année du Magazine Compact, où le dénommé Patrick Mathé, fondateur de feu New Rose, label qui diffusa jadis entre mille étrons rock'n'lose les disques de Polyphonic Size, conclue, je cite, "la nouvelle chanson française chochotte - Dominique A, Françoiz Breut, Benjamin Biolay, Keren Ann ...- , tous ces peine à jouir et ces mal baisés". Ceux que ça amuse gagnent une nuit d'amour avec Patrick Mathé.
Rendez-vous à dans un mois, et