Didier Martin suit Dominique A sur les tournées depuis de nombreuses années. C'est lui qui conçoit les installations et officie pendant les concerts pour les lumières. A l'heure où son travail pour la tournée 2012 est salué comme une grande réussite, nous ne pouvions manquer l'occasion d'évoquer son travail avec l'artiste et ses musiciens.
CCV : comment prépares-tu les spectacles, cela part d’une proposition de Dominique, tu écoutes le nouveau disque au préalable ?
Didier Martin : non je n’écoute pas avant, souvent ça part d’images que j’ai en tête depuis très longtemps. Quand une créa de Dominique arrive, je lui propose un concept ou deux ou trois idées et je lui demande s’il y a un truc qui le branche. Dominique me dit oui ou non, et on choisit ensemble. A partir de là je bosse sur le projet.
En fait on ne parle pas beaucoup ensemble de la Lumière, il me fait confiance, je sais ce qu’il aime et il sait ce que j’aime.
CCV : vous travaillez ensemble depuis combien de temps ? plus de dix ans ?
Didier Martin : depuis Remué
CCV : à un moment donné il y a une discussion sur ce que tu as réalisé ou tu as vraiment carte blanche ?
Didier Martin : il me laisse vraiment carte blanche, jusque-là c’est toujours tombé à point.
Pour cette tournée, c’est assez marrant parce que les nouveaux morceaux parlent beaucoup de lumières. J’avais un truc en tête depuis longtemps, je voulais faire des sortes d’éclipses, je voulais arrêter la lumière. Voilà, l’idée est venue de faire des sortes de plafonds qui arrêtent et stoppent la lumière, mais qui en génèrent aussi.
CCV : les installations sur les tournées de Dominique A, c’est toujours toi qui les conçois ?
Didier Martin : oui, mais cette année c’est un peu particulier, pour différentes raisons avec la production, on avait décidé que je proposais un concept mais ne le réaliserais pas (je ne construirai pas l’installation). On a donc fait appel à une société de Rennes qui s’appelle Chromlech et qui est composée de têtes chercheuses. Ils ont inventé un projecteur qu’on retrouve partout maintenant et qui s’appelle le JARAG. C’est un bureau d’étude composé de cinq ingénieurs mais à la base ce sont deux éclairagistes qui ont monté ce projet. Je suis allé les voir quand on s’est mis d’accord avec Dominique A. Je leur ai demandé de travailler sur des plafonds qui arrêteraient la lumière mais qui pourraient aussi la laisser passer et qui créeraient un autre niveau de lumière comme suspendu dans le vide.
Après avoir planché ensemble sur le projet on en est arrivé à ce qu’on voit sur cette tournée.
CCV : tes sources d’inspiration tu les puises dans d’autres concerts ? des spectacles de théâtre ?
Didier Martin : ce n’est pas dans les concerts que je trouve mon inspiration, du tout. Pas obligatoirement dans les spectacles. En fait je serais plutôt branché art contemporain. Mais en ce moment je suis inspiré par les grandes serres que l’on voit au bord des autoroutes comme des maisons translucides ; je pars de ce genre de choc esthétique à la base – un truc qui me plait. Après ma démarche dans le travail avec Dominique A, comme Dominique Brusson, c’est de se mettre au service d’un mec sur scène. C’est de réussir à construire une dramaturgie dans la lumière. D’être super à l’écoute de ce qui se passe sur le plateau, de se dire : j’ai plein de projos ou de technologie à portée de main mais que si c’est mieux pour tel morceau d’être à 1 % des capacités du système, je n’hésites pas.
CCV : est-ce que tous les concerts sont identiques ? tout est réglé d’avance ?
Didier Martin : tout est « écrit », j’ai une conduite pour chaque morceau, mais par contre je n’appuie pas sur un bouton play et tout marche seul. Je mixe vraiment tout en direct. Et puis il y a les surprises en plus, quand les choses ne sont pas toutes écrites. Par exemple, la fin du set sur le morceau « Par les lueurs ». Ça n’était pas prévu, on n’en avait pas parlé, mais voilà, Dominique pose sa guitare et vient se positionner dans ces lumières qui tournent au dessus de sa tête. C’est magique et ça n’était ni écrit ni pensé. D’ailleurs il faut que je lui dise, on n’en a toujours pas parlé (rires).
CCV : tu n’as jamais travaillé sur des projections ?
Didier Martin : si si j’ai déjà fait ça.
CCV : avec Dominique A ?
Didier Martin : non et pour le coup je trouve que projeter des images ça fige un peu. Pour projeter il faut déjà avoir des images et on voit plein de concerts avec des images décoratives sans fond… c’est ennuyeux.
Là tu vois c’est un peu complexe au niveau technologie, d’ailleurs c’est un prototype, quelque chose qui n’existe pas ailleurs, mais l’idée c’est aussi qu’on ne voit pas cette technologie. Je voulais qu’elle serve à faire de la lumière, à éclairer les gens et pas à faire des images télé, à en mettre plein la gueule.
CCV : pour le spectacle tu fais une utilisation de la lumière très contrastée entre les deux parties de concert.
Didier Martin : pour le coup et une fois de plus comme on se connaît très bien avec Dominique A on s’est dit qu’il fallait retrouver l’esprit originel de La Fossette et proposer un truc minimaliste et du coup quand la deuxième partie de concert arrive ça permet de proposer quelque chose de très différent.
Propos recueillis le 21 janvier 2012
Biographie de Didier Martin Didier Martin, avec un nom pareil il ne pouvait naître quʼà une date exceptionnelle. Ce fut le cas le 22 mars 1965, le jour ou France Gall remportait lʼEurovision avec « Poupée de cire, poupée de sons ». Après de magnifiques années de lycée qui le destinaient à une carrière de comptable, le destin lʼemmena sur les rives plus chaotiques de la musique et du spectacle. Il fut batteur dans de formidables groupes très eighties avec mèches, chaussures pointues et tout ca dans les brumes des Côtes dʼArmor. Mais la mèche ne nourrissant pas son homme, il se forma pour devenir stratifieur. Cela lʼamena à la construction de bateaux, mais comme la marine (on le sait bien) mène au Théâtre, il se redirigea vers ces lumières, les velours rouges, les galas etc..... Après quelques années comme régisseur avec le Théâtre de Folle Pensée à St Brieuc puis avec Fiat Lux, il sʼinstalla à Rennes pour faire de la musique mais aussi pour travailler à lʼUbu et aux Transmusicales comme éclairagiste. Cela dura 10 ans. Durant ces années là, il croisa une certaine Christine Le Berre qui le tira vers la danse contemporaine puis vers le spectacle jeune public avec la cie hop!hop!hop! Et leur collaboration continue. Une autre rencontre va lui faire découvrir la chanson française. Cʼest Dominique A . Ils sont ensemble sur les routes depuis dix ans maintenant. Tout ca sera entrecoupé de projets multiples et variés avec des gens comme Mathieu Boogaerts, Yann tiersen, Da silva, Olivier Mellano, Tété, …etc. Si lʼon devait lui demander ses passions, il répondrait : musique, spectacle, lumières et particulièrement celles de Grèce. |