Dominique Brusson : la matière sonore

Dominique Brusson : la matière sonore

Dominique Brusson est l'alter-ego de Dominique A de l'autre côté de la console son, en live, comme en studio. Il a commencé à sonoriser la tournée Remué, et aujourd'hui il est co-réalisateur de "La Musique". Une collaboration et une amitié qui s'inscrivent dans la durée. Cet entretien exclusif nous donne l'occasion de mieux connaître le personnage, discret, aujourd'hui indissociable de la discographie de Dominique A.

 

 

Dominique Brusson Dominique Brusson est l'alter-ego de Dominique A de l'autre côté de la console son, en live, comme en studio. Il a commencé à sonoriser la tournée Remué, et aujourd'hui il est co-réalisateur de "La Musique". Une collaboration et une amitié qui s'inscrivent dans la durée. Cet entretien exclusif nous donne l'occasion de mieux connaître le personnage, discret, aujourd'hui indissociable de la discographie de Dominique A.



Dominique, tu collabores avec Dominique A depuis 1996 pour la scène. Comment s’est fait la rencontre ?
Très simplement, j'étais à l'époque en studio pour l'album de BLY, produit par Fred Vidalenc (ex-Noir Désir), et j'ai reçu un coup de téléphone de Stéphane Teynié son sonorisateur  qui, devant partir avec Diabologum en tournée, ne pouvait faire celle de Dominique A. Sur le moment j'ai répondu non car je travaillais à l'UBU à Rennes et je n'osais pas partir en tournée car mon job dans cette salle me plaisait énormément. Mais le soir même, alors que je dînais chez des amis à Bordeaux, Fred Vidalenc m'a dit que j'étais vraiment stupide de ne pas finir cette tournée car il connaissait mon intérêt pour le travail de Dominique A. J'ai alors rappelé Stéphane (que je connaissais pour avoir enregistré un disque sur son label Cornflakes Zoo) à 2h du matin pour lui dire Ok... et depuis je suis resté.

Françoiz Breut Ensuite la collaboration studio a démarré pour le premier album de Françoise Breut.
Tout à fait, Dominique réalisait le premier album de Françoiz Breut, il l'avait commencé à Bruxelles et à Liège avec Gilles Martin et Grumf et comme Françoiz travaillait sur une expo à Rennes pour plusieurs semaines, il m'a demandé de l'aider à finir ce disque au studio Cocoon, disque dont je suis fier d'avoir fait partie...

Auparavant tu avais déjà travaillé sur la production d’autres artistes ?
Oui, mais de manière sporadique car mon métier principal est le live, mais avec mon premier « vrai travail » (secrétaire de rédaction), je m'étais acheté un 8 pistes à bandes et je faisais des démos pour des groupes locaux avant même de travailler l'Ubu, le principal groupe étant Olympia... qui était signé sur Cornflakes ZOO, le label de Stéphane Teynié.

Ensuite ton rôle en studio s’est poursuivi pour l’album "Remué" pour lequel tu es intervenu, en reprenant les travaux engagés aux Etats-Unis ? de l’enregistrement jusqu’à la production de l’album.
Remué Pas simple cette histoire, Dominique était rentré de New-York plutôt content, mais après un mois il me téléphone en me demandant si j’étais libre pour l’aider à reprendre le projet. Nous avons vite émis l’idée d’acheter du matériel pour être autonomes (en fait c’est Dominique A qui a tout payé...) et puis nous nous sommes mis en quête d’un lieu pour enregistrer. Nous avons trouvé juste avant la session un gîte en centre Bretagne qui se trouvait être une maison de famille où allaient quelques années auparavant les gens de Marquis de Sade et leurs proches pour faire la fête ! Mais cela nous l’avons appris plus tard.
Bref, nous nous sommes enfermés pendant un mois et nous sommes partis sur deux idées simples : des guitares et des samples maisons, avec comme mot d’ordre : on sample et on ralentit !!
Nous ne travaillons pas beaucoup, pas plus de 6 h par jour, et parfois la réflexion se faisait dans la piscine avec des bouées en forme de canard… parfois nous remontions au ‘’studio’’ en maillot de bain !
Nous avons beaucoup ris sur cet enregistrement, bien que cela ne s’entende pas du tout. Mais nous avons beaucoup expérimenté avec un matériel assez sommaire, sans ordinateur, juste quelques micros une petite console, un 16 piste et du temps, le vrai luxe en studio.
Après je me suis installé chez moi pour mixer, je n’avais pas vraiment de deadline, Dominique passait en fin de journée, nous écoutions et puis nous sortions beaucoup…. Ce n’était pas une période facile pour lui, pour des raisons personnelles, et nous nous sommes enfermés dans une sorte de bulle artistique, avec l’envie d’en découdre avec la chanson française, c’est à cette période que parallèlement s’est construite une amitié qui dure encore…. Ce qui ne nous empêche pas d’être exigeant l’un envers l’autre dans le travail.
 
Comment a évolué ton travail en tournée avec Dominique A, après l’avoir accompagné sur les tournées Remué, Auguri, Tout sera comme avant, L’Horizon plus les tournées solo ? Comment appréhender les tonalités différentes sur chaque tournée, les musiciens différents et les lieux aussi qui sont parfois des salles rock parfois des théâtres ?
Il n’y a pas vraiment de règle, si ce n’est d’essayer de comprendre la direction prise à chaque nouvelle tournée, parfois même ces directions changent  au cours d’une même tournée.  La tournée « Remué » faisait appel à beaucoup de traitements sonores notamment dans le grave, alors que celle d’ « Auguri » était plus brute en terme de son, plus « rock ».
Affiche tournée 1999 Pour la prochaine je ne sais pas encore, j’ai juste proposé à Dominique de prendre un batteur afin d’éviter les boites à rythmes sur scène et garder un peu de souplesse…
Quant aux salles, la France est très bien équipée mais c’est vrai que je n’aborde pas un théâtre et une salle « rock » de la même manière, enfin j’essaie, car avec la fatigue (notamment auditive) occasionnée par la tournée, parfois on ne se rend plus compte du volume sonore que l’on envoie dans la salle….
En plus j’aime quand il y a de la pression acoustique, que le son soit un peu physique, Dominique et ses musiciens étant eux-mêmes très physiques sur scène. Ce n’est donc pas toujours compatible avec un public qui vient découvrir ou qui s’attend à de la chanson française à papa…



Abordes-tu une tournée différemment selon que tu as été impliqué dans le disque soutenu ou pas ?
Oui, car il y a des choses auxquelles je tiens forcément sur un disque, qui vont être abordées très différemment en live. J’oublie cela très vite, car la tournée avale le disque et que ce sont des versions très différentes.

Dominique Brusson à la consoleAu fil des dernières années, tu as marqué ton empreinte les prestations scéniques de Dominique A, en as-tu conscience ?
Je ne sais pas, honnêtement. J’ai par contre la sensation de faire partie d’une histoire et d’évoluer avec elle. J’espère juste que j’aurais contribué un peu à la faire évoluer également.

Concernant le son des concerts, par rapport aux différents albums as-tu noté une évolution dans ta manière d’appréhender les concerts ?
Plus ça avance, et plus j’ai peur avant le concert, je réfléchis trop parfois ou pas assez, cela peut générer un sentiment de panique qui doit se stopper très vite sinon c’est la cata ! Mais à part cela, j’aimerais que l’on travaille un peu moins fort sur scène, pour ne pas être obligé de pousser le son dans la salle et du coup me prendre les remarques des oreilles délicates, à la fin des concerts.
En même temps j’aime le relief, que cela soit doux et très fort dans une même soirée. Par contre je n’aime pas entendre dire que le son était agressif, c’est pour moi un échec. Car je pense que le son peut être fort sans faire mal, mais l’audition est tellement complexe, physiquement et culturellement ! En France on me demande de baisser, et en Espagne de monter ! Pourtant c’est la même musique…

Est-ce que tu participes au choix des mises en place de morceaux, de propositions sur les interprétations ?
En tournée, les musiciens et Dominique me demandent mon avis, je le donne et ils en font ce qu’ils veulent. Parfois je n’ai pas d’avis immédiat car je suis trop dans la gestion de problèmes techniques, alors l’artistique passe après.

Sur ton travail de production des disques, il me semble que tu es un des premiers à écouter les maquettes de Dominique A ? Participes-tu en amont au choix des morceaux ? Voire à l’orientation du disque avant sa conception? Ou est-ce entièrement dans les mains de Dominique A ?
Cela dépend, je donne mon avis et comme pour la tournée, Dominique en fait ce qu’il veut. Après en studio, je propose plus de choses que ce soit en terme de son ou de structure, mais c’est toujours lui que tranchera, car je considère que ce n’est pas mon disque mais le sien, d’où le terme de co-réalisation qui me tient à cœur, et cela est valable avec les autres artistes que je suis amené à rencontrer en studio.

Saule Tu as travaillé avec d'autres artistes Saule, Da Silva, Bertrand Betsch, Autour de Lucie... Tes choix sont-ils dictés par tes propres goûts musicaux, ou la curiosité de voir comme tu peux t'en sortir avec un artiste que tu ne connais pas ou peu ?
C’est surtout lié à une rencontre, je dois d’abord ressentir un bon feeling avec la personne, et m’y retrouver un minimum dans la musique. Après Remué, j’ai reçu plus de 30 propositions et je n’en ai accepté que 4 dont une encore récemment…

La part de plaisir doit être importante dans chaque projet. Découle-t-elle du devoir accompli ou du simple fait d'avoir travaillé avec un artiste que tu apprécies ?

Les deux mon capitaine ! Je ne sais pas fonctionner sans plaisir, et j’ai besoin d’être un  peu fier de ce que je fais (ce qui n’est pas tout le temps le cas !).
Après il y a des disques dont je suis plus fier que d’autres.

Auguri John Parish était le producteur d'Auguri. Alors que sort son second album en compagnie de PJ Harvey, qu'aurais-tu pu apporter à cet album, pierre angulaire de la discographie de Dominique après Remué ?
Sur Auguri, pas grand-chose. Pour dire vrai je n’aurais pas aimé que Dominique me propose de travailler sur ce disque, car après le choc artistique et humain de Remué, j’ai eu besoin de temps pour m’en remettre. Et il fallait que je prenne du recul par rapport au studio. Certains groupes à l’époque en ont malheureusement fait les frais. Je voulais absolument être très impliqué et ce n’est pas toujours ce qui vous est demandé…



Revenons à « La Musique » comment abordais-tu le disque après « L'Horizon » ? Avais-tu la volonté de donner une ambiance générale à l'album, je trouve le disque très homogène malgré les différences d'ambiances d'un titre à l'autre.
Très différemment, car à part des voix et quelques prises additionnelles, mon travail avec Géraldine Capart (qui s’occupe de toute la partie informatique sur les albums auquel je participe) a été surtout de mettre un peu d’ordre dans les (nombreuses) idées de Dominique, de lui proposer des sons, des cassures, ou d’aller encore plus loin dans son idée. Comme disait Bashung, on jouait au ping-pong, une idée en amenant une autre… Quant à la cohérence, super si tu trouves cela réussi, mais cela m’échappe un peu… à mon avis c’est la voix de Dominique qui ramène tout le monde à la maison.

La Musique Sur le titre d'ouverture « Le sens » des boucles de voix de Dominique A sont placées en fin de morceaux - rappelant les prestation solo de Dominique A. Qui en a eu l'idée ?
Nous deux d’une certaine manière. J’avais proposé à Dominique de faire des chœurs sur le morceau « Valparaiso » (un des titres de « la Matière ») un peu dans l’idée du final de guitares sur « L’horizon ». Ceci pour faire un effet de cordes que nous n’aurions pas puisque l’idée restait que Dominique fasse le disque tout seul. Du coup il a déplacé cette idée sur « le Sens ».

Au niveau du traitement du disque, on retrouve toujours des effets de son donnant un grain particulier - parfois à la limite dans les basses comme sur « Qui es-tu ».

Le grain vient de l’utilisation de matériel analogique, avec la console ‘’Amek Angela ‘’du ‘’Rising Sun Studio’’ de Bruxelles, ainsi que des vielles reverbs et compresseurs vintages. Comme je le disais plus haut, j’aime le grave, car cela rend le son très physique, on l’entend avec son corps autant qu’avec ses oreilles, il faut juste éviter la descente d’organes…

Dominique Brusson à la consolePeux-tu nous parler de la rupture du son sur « la Fin d'un monde » ?
J’ai reçu le morceau tel quel, l’effet était voulu par Dominique et je trouve que cela fonctionne vraiment bien, cela me rappelait l’intro de « Comment certains vivent » sur « Remué », là l’effet était dès le premier morceau. La boucle est bouclée ? Jamais vraiment…

Et la "Matière" que je n'ai pas encore écoutée ? Comment s'est fait le choix de la sélection des titres pour ce disque ?
Tout d’abord écoutes le très vite car c’est un vrai album, pas de simples chutes de studio… Quant au choix du track listing, je n’interviens que très peu. Juste pour le morceau « La musique » qui devait être sur « la Matière » à l’origine, j’ai fait le forcing en le mixant pour qu’il soit sur l’album du même nom car j’adore ce titre… mon coté « ancien corbeau rennais »… sinon je suis nul pour faire un ordre. De toute manière, j’aime les 24 titres que l’on a mixés, alors l’important pour moi, c’est qu’ils soient disponibles à l’écoute.

Concerts

CCV NL

A propos des cookies

Nous utilisons des cookies sur notre site web. Certains d’entre eux sont essentiels au fonctionnement du site et d’autres nous aident à améliorer ce site et l’expérience utilisateur (cookies traceurs). Vous pouvez décider vous-même si vous autorisez ou non ces cookies. Merci de noter que, si vous les rejetez, vous risquez de ne pas pouvoir utiliser l’ensemble des fonctionnalités du site.