Février 2010

Février 2010

Entre deux rounds

Ce fût faramineux. Je ne vais pas m’étaler, ayant été interrogé à ce sujet à Barcelone par Sam, de CCV, qui je pense retranscrira prochainement notre conversation, mais il n’en est pas moins vrai qu’il a fallu redescendre : l’Espagne nous a réservé, à mes camarades et moi-même, un très bel accueil, avec des salles pleines, du club un peu roots au splendide théâtre à l’italienne : beaucoup d’enthousiasme partout, pendant et au sortir des concerts (à Murcia, on n’a rien compris, tellement c’était fort), et par rapport à mon dernier opus, sorti là bas officiellement fin décembre. Résultat : batteries regonflées à bloc pour ce premier semestre bien gavé (tournée allemande en avril, et bien d’autres choses qui se profilent à l’étranger, retour en Espagne inclus, obligatoire).

 Nits  The Fatales  Throw me the statue

 
On m’a, ces derniers mois, donné comme à l’accoutumée en tournée beaucoup de disques à écouter à la fin des concerts, souvent « pour avoir un avis », ou pour me proposer une première partie. Comme à l’accoutumée, je n’en ai pas écouté la moitié, et je n’ai répondu à personne. On verra là le signe d’une noire ingratitude si on veut, mais ce n’est pas celui d’un manque d’intérêt de ma part : je comprends tout à fait la démarche qui consiste à remettre un disque à quelqu’un dont on aime le travail, et dans le cas où on me demande un avis, je manque simplement de temps pour bien écouter et répondre, et j’ai aussi, il faut le reconnaître, beaucoup de mal à formuler une opinion constructive qui ne soit pas rédigée à l’arraché. Il y a également un peu de désir en jeu, il ne peut y en avoir lorsqu’on vous demande un avis ou même un simple signe, ça s’apparente finalement plus à une obligation plus qu’à une invitation, et du coup, je me tourne plus volontiers vers les disques que j’achète par ailleurs, le dernier Nits, the Fatales, ou Throw Me The Statue par exemple (énumération sans commentaires, complètement gratuite). Par rapport au fait de proposer des premières parties, ça m’arrive de rebondir sur des propositions, mais je ne suis pas seul décisionnaire, il y a les salles elles mêmes, qui , aujourd’hui , en programment de moins en moins, faute de moyens (« Vous allez voir, la mort du disque, ça aura ça de bon que tout le monde va revenir à la scène », mais oui, mais oui, et les salles de se multiplier comme des petits pains, et les spectateurs de se reproduire comme des lapins…).

Cela étant, j’ai écouté plusieurs disques vraiment bons : de mémoire, « La balade de Julie S. » de Charlotte Mildray, Dondolo, Xavier Machault et Roberto Negro, les brestois d’Ootiskulf et de Mon Automatique, King Kong Vahiné, Vaude B., Franky Thomas, Frédéric Truong entre autres. Et un enseignement par rapport à tout ça : on peut spéculer sur la mort du disque blablabla mais toujours est il qu’en 4 mois, à deux exceptions près, j’ai reçu une soixantaine de cd contre deux cartons avec une adresse myspace. Comme quoi, l’objet, quoiqu’on en dise, reste toujours une finalité, et à rebours du discours dominant, certes étayé par la réalité financière, pèse toujours son poids de fantasme (« faire un disque », cette drôle d’idée).

Laura Weirs Histoire de ne pas déroger à mes habitudes, quelques productions à vous conseiller, sans souci d’exhaustivité, soyons sélectifs. En musique, je suis ces temps ci à fond sur « July Flame », le dernier opus de l’américaine Laura Veirs, qui marque le retour en grâce de celle-ci, après deux albums en demi teinte, et où on retrouve la qualité d’écriture de son précédent sommet discographique, « Carbon Glacier », finalement un des plus beaux disques pop rock de la décennie écoulée, à ma connaissance. Mélodiquement, c’est régulièrement splendide, et on la sent totalement en phase avec son songwriting.


Clare and the reasons Gershwin chez les indés, suavité et élégance à tous étages, évidence et sophistication dans le même panier, celui de Clare and The Reasons, sur leur récent « Arrow » (Fargo) ; un groupe issu de la crème de la crème, à savoir la scène new yorkaise des My Brightest Diamond, Sufjan Stevens et autres St Vincent, une scène miraculeuse, sur les secrets de laquelle il faudra un jour se pencher pour tenter de percer le mystère de son excellence, une scène où la mélodie prend régulièrement les contours du rêve.

 

Wall of sound Egalement dans mes oreilles : l’excellente compilation Wall of Sound, chez Harmonia Mundi, consacrée à la scène rock allemande entre 1961 et 1989,  période correspondant aux 28 ans d’existence du mur de Berlin, avec ses acteurs essentiels, type Can ou Faust, et son lot de trésors oubliés.

 

 

Emilie ProulxUne découverte québecoise : Emilie Proulx, dont le premier album « La lenteur alentour » sorti l’an dernier, est très addictif, sorte d’emo folk (eh oui, on en trouve tous les jours…) porté par une belle voix sobre. Pas facile sans doute à se procurer par ici (je l’ai eu en la croisant sur un concert), myspace au secours, ça vaut mille fois son clic.

Enfin, au rayon réédition, chez Cherry Red, en import sans doute (j’ai déniché ça en dévalisant les disquaires barcelonais avec Thomas Poli, pas le dernier sur le coup), 3 merveilles à (re)découvrir :
1°)« Ask me no questions » de Bridget Saint John (je me demande bien comment j’ai pu l’oublier sur « Songs over … »), le mètre étalon du folk anglais avec le premier Nick Drake, un diamant brut produit en son temps par John Peel, première référence de son label Dandelion ;

2°) « Drumming the Beating Heart » d’Eyeless in Gaza, duo new wavo-liturgique (de mieux en mieux…), ou une voix d’enfant perdu se répand sur des accords d’harmonium, et ça sent son paradis perdu à plein nez ;
et enfin

 Bridget St John Eyeless In Gaza   Lydia Lunch  

3°) « Queen of Siam » de Lydia Lunch, dont je ne connais pas toute l’œuvre prétendument (méfions nous) sulfureuse, mais sur ce disque, elle fait des étincelles dans son rôle de lolita junk new yorkaise déversant ses histoires salaces sur une musique jazz punk, les cuivres d’un big band conversant avec des guitares très acides, et c’est dans son genre un petit classique daté de 1980, qui n’a rien perdu de sa fraîcheur, et qui, mine de rien, ne ressemble à rien.
Soyons sélectif, disais-je.



En bande dessinée : « Cinq mille kilomètres par seconde », de Manuele Fior, chez l’excellent éditeur suisse Atrabile : très belle histoire richement illustrée à l’aquarelle sur un amour avorté, et sur le poids des regrets, pas original en soi, mais subtilement raconté, avec notamment une grande richesse et justesse dans les dialogues, finalement assez rare dans la BD dite d’auteur, où l’humour doux amer parasite souvent le propos. Gipi, Giandelli, Fior… Il se passe des choses en Italie, décidément.

5000 km par secondes Fêtes des mères La vierge froide Chris Ware

En Finlande aussi : chez Fremok, « La fête des mères », d’Amanda Vähämaki, le démontre brillamment, dans un livre graphiquement très original, ne serait ce que par son procédé, puisque réalisé au feutre et crayon de couleur, un récit qui met en scène le périple onirique de deux ados dotés d’une télécommande qui les téléporte dans le temps. Ça m’a fait un peu penser au monde graphique d’une autre brillante scandinave, Joanna Hellgren (présente à ma carte blanche à la Ferme du buisson en septembre dernier), en plus âpre.
Egalement très recommandables : « La vierge froide » de Gwen de Bonneval et Hervé Tanquerelle, qui adapte avec réussite les histoires hyperboréales de Jorn Riel en bande dessinée, ou le livre consacré par Benoit Peeters et Jacques Samson à Chris Ware, « La bande dessinée réinventée », idéal pour ceux qui comme moi admirent le travail de l’américain tout en restant un peu à distance : c’est parfois avec la virtuosité, ça éloigne.

Pour finir, un mot d’explication sur la nouvelle édition de « La musique », mise en bac le 1er mars. Pourquoi une nouvelle édition, pourquoi cette politique d’inédits après coup ? Pour une raison simple : remettre le disque en avant dans les magasins, continuer à le faire exister, près d’un an après sa sortie, dans la mesure où il continue à avoir une vie via la tournée, les nominations à des prix... L’acheteur premier est il lésé pour autant ? Il me semble que non, j’ai toujours fait gaffe à ça : à la sortie du disque, il était possible d’acheter l’édition limitée avec « La matière » pour à peine plus cher que le simple. Les inédits à venir seront quant à eux disponibles à l’unité par téléchargement. Par le passé, il n’y a eu qu’une autre fois où nous avons ressorti une édition avec inédits après coup, c’était sur « Auguri » (2001), et ça avait fait l’objet d’un maxi disponible à part (« Les enfants du Pirée » ep, pour mémoire), les premiers acheteurs de l’album ayant eu 4 autres inédits à la sortie de l’album (Hotel Bratthold, J’ai tué l’amour, Oublie…), jamais ressortis par ailleurs. Sur « Tout sera comme avant », il n’y a eu qu’une édition double à la sortie, et sur « L’horizon » et « Sur nos forces motrices », pas d’inédits. Donc voilà, ceci pour répondre aux quelques grognements concernant ces histoires de rab après coup, qui pénaliseraient dit on les vrais amateurs. En la matière, vous me permettrez d’avoir la conscience à peu près tranquille.

Bonne fin d’hiver à tous.

Dominique.

Concerts

CCV NL

A propos des cookies

Nous utilisons des cookies sur notre site web. Certains d’entre eux sont essentiels au fonctionnement du site et d’autres nous aident à améliorer ce site et l’expérience utilisateur (cookies traceurs). Vous pouvez décider vous-même si vous autorisez ou non ces cookies. Merci de noter que, si vous les rejetez, vous risquez de ne pas pouvoir utiliser l’ensemble des fonctionnalités du site.