Arnaud Le Gouëfflec





bd-j-auraitapeauArnaud Le Gouëfflec et Olivier Balez ont sorti une BD avec Dominique A en personnage principal. J'aurai ta peau Dominique A est belle et bien une fiction. A la lueur de quelques explications, les auteurs ont fait du chanteur un personnage intime, avec qui on vit une drôle d'aventure. Arnaud Le Gouëfflec est le principal responsable de cet improbable scénario. Et pour lui, chez un chanteur, l'intimité réside bel et bien dans ses chansons.





chanteur-sans-nomLe chanteur sans nom est-il est le point de départ de la BD J’aurai ta peau, ou est-ce que c’est la rencontre avec l’artiste pour les deux concerts au Théâtre de la ville en janvier 2012 qui scelle le projet ?
On venait de finir la BD avec Olivier Balez du Chanteur sans nom et on discutait d'une autre histoire. L'idée était de prendre un petit peu le contre-pied de cette histoire. On avait ramené à la lumière un homme passé complètement dans l'oubli. Et lorsqu'on lit la BD, on se demande si l'histoire est véritablement la réalité, si c'est du lard ou du cochon. Il y a des anecdotes trop incroyables pour être vraies, mais en fait si, tout est vrai. L'idée était donc de prendre une histoire un peu à l'envers et de faire vivre à un personnage réel des aventures totalement fausses. Une sorte de démarche inverse. Lorsque cette idée est arrivée on a pensé de suite à Dominique A et avec Olivier le travail a commencé. On n'imagine pas Dominique A menacé de mort, c'est vraiment la dernière personne à abattre. Cela nous a fait rire de prendre autant le contre-pied. Alors pourquoi Dominique A ? La boite à OotiIl y avait eu le projet de la Boîte à Ooti (Dominique A apparaît sur deux titres du premier album de la Boîte à Ooti, plus d'infos ici et ). Avec John Trap, j'avais écris des chansons pour Ooti. Entre temps, elle avait rencontré Dominique A lors d'un concert à Brest et il a gentiment accepté de chanter et de faire deux duos sur l’album. En les réécoutant, j'étais très content parce que je n'aurais jamais imaginé que Dominique A puisse chanter des chansons qu'avec John Trap nous avions écrit. Du coup je m'étais intéressé à nouveau à ses disques et lorsque l'idée est arrivée, j'étais en pleine période Dominique A. Dans les années 90, j'ai suivi toute la discographie de Dominique A jusqu'à l'album Remué que j'ai adoré mais ensuite j'avais un peu perdu le fil. Et à la suite des deux duos pour la Boîte à Ooti, j'ai voulu me replonger un peu dans les albums qui ont suivi, comme Auguri, Tout sera comme avant, La musique… La jonction entre l’idée d’un chanteur menacé de mort et Dominique A s'est donc faite automatiquement dans ma tête.

Vu que vous ne connaissiez pas Dominique A personnellement, est-ce que le livre aurait pu se faire sans votre rencontre au Théâtre de la Ville?
theatre-de-la-villeJe n'avais jamais échangé avec lui avant. C'était par l'intermédiaire de Ooti que nous avions collaboré. Lors de notre rencontre au Théâtre de la Ville, avec Olivier nous étions déjà en train de finir le scénario. C'est d'ailleurs en allant à Angoulême que nous avons fait une halte à Paris pour assister aux concerts et nous avons signé notre contrat pour la BD le lendemain à Angoulême. Donc les choses étaient déjà très engagées. C'était plutôt histoire de marquer le coup, comme Olivier était rentré du Chili (où il vit tout l'année). Quand il rentre en effet, on se voit à Paris et là c'était encore une occasion de voir s'il y avait des idées à glaner durant le concert, dans les coulisses… Et Olivier, à cette occasion, a beaucoup dessiné les arrières plans, l'arrière scène, des éléments graphiques que l'on retrouve dans la BD (Olivier Balez et Arnaud Le Gouefflec nous avait à l'époque fait passer une planche dessiné pour l'occasion, à voir ici).

Projet couverture J'aurai ta peau Dominique A
Projet de couverture pour la BD J'aurai ta peau Dominique A


Quel a été la réaction de Dominique A au vu des premières planches ? Il semblait avoir confiance dans le projet, sa préface l'atteste.
Déjà je lui ai demandé par mail si le principe même de faire une BD sur lui ne le gênait pas. Il a de suite dit que ça ne le dérangeait pas et donc je lui ai envoyé des planches pour lui montrer le ton et des éléments graphiques du bouquin et il a de suite précisé qu'il trouvait ça très bien mais qu’il ne voulait pas s'en mêler. Ca m'a assez étonné pour tout dire je pensais qu'il allait vouloir légitimement avoir un regard sur ce que l'on allait lui faire faire ou dire en tant que personnage de BD, et non, pas du tout. Il a même laissé aller la BD jusqu'à son terme, il ne voulait pas la lire sur fichier informatique mais imprimée. Il nous a laissé une liberté totale. Ses propres mots étaient "si c'est une fiction je n'ai pas à ramener ma fraise". Cela prouvait une certaine inconscience de sa part (rires). Ou une certaine confiance. Il avait lu les autres BD que nous avions fait avec Olivier. Il allait bien se douter qu'on n’allait pas faire quelque chose à côté de la plaque, mais bon.

Dominique A par Olivier Balez

Apparemment vous avez fait mouche car Dominique A dans la revue l’Immanquable est troublé par des ressemblances. La BD ne touche pas qu’à la face publique du personnage, il lorgne également sur l’intime. Comment peut-on arriver à être autant dans le vrai sans vraiment le connaître profondément ?
Oui c'est vrai, on ne le connaît pas du tout personnellement. Je ne voulais pas qu'il y ait de liens biographiques. Par exemple, dans la BD, il n'a pas de femme, il n'a pas d'enfant, les musiciens ne sont pas ses vrais musiciens, pareil pour son manager… On a tout décousu afin qu'il n'y ait pas de lien avec sa vraie vie. L'idée était que seules ses chansons nous servaient de recette secrète pour provoquer des images, et des idées. Avec Olivier on a beaucoup écouté ses chansons afin de s'en imprégner. Par exemple pour le scénario, y'a des liens avec ses disques un peu partout, comme la scène où Dominique A est avec Katerine au bowling, c'est bien sûr un clin d'œil à la chanson Bowling de l'album Tout sera comme avant. C’est un exemple parmi d’autres. Donc si ça sonne juste, ce n’est pas vraiment calculé de notre part. Il n’y a rien de plus intime que les chansons. Cela a dû nous inspirer car on était dans le ton et l’ambiance. C’est vrai que l’on n’imagine pas quelqu’un qui a le répertoire de Dominique A se comporter de manière totalement extravertie et histrionique. Cela doit certainement induire le personnage que l’on a mis en scène dans la BD.

dominique-aSeules deux de ses chansons sont annoncées véritablement autobiographiques (Rues des Marais et Les Terres Brunes), Dominique A ne déballe pas grand chose de sa vie privée dans ses chansons. Y’avait-il une envie d’en faire un personnage intime, un copain, un peu anti-héros ?
Oui tout à fait. On s’est attaché au personnage, pas le chanteur, mais encore une fois ce qui transparaît dans ses chansons, le ton, un certain humour aussi que l’on entend parfois (je pense à Inuktitut). Cela nous a aidé à creuser dans cette veine là. Y’a aussi la chanson en duo avec Katerine Manque moi moins pour je ne sais plus trop quelle compil (pour les inrocks ndlr) : c’est pour cela que l’on fait apparaître Philippe Katerine dans la BD, mais dans la vie je ne sais pas quelle est la nature de leur relation, s’ils sont vraiment amis dans la vie ou pas, en tous cas, dans la chanson Manque moi moins ils le sont. Si ça tourne juste, c’est vraiment à cause de cela, on ne s’est pas documenté. On s’est juste inspiré de ses chansons, du ton qui s’en dégage, et des images qu’elles peuvent générer.
 
Arnaud Le GouëfflecOlivier Balez signe les dessins, et vous signez le scénario. Est-ce vraiment aussi simple ? Il doit bien y avoir des croisements pour aborder l’écriture et la réalisation…
Oui bien sûr. Sur le déroulement du scénario, on a discuté énormément avec Olivier afin que cela puisse coller graphiquement et « scénaristiquement » et que chacun de nous ne se sente pas lésé l’un par rapport à l’autre. C’est donc un échange de point de vue, un ping-pong permanent. Bon évidemment y’a un moment où il faut passer à la réalisation, mais il y a eu de nombreux échanges.

Le fait qu’Olivier Balez vive au Chili n’est pas une contrainte supplémentaire au jour d’aujourd’hui ?
Non ce n’est pas gênant. On s’envoie des mails, on utilise Skype si on veut parler à bâton rompu. Et parfois avec le décalage horaire c’est parfois plus pratique car le soir je lui parle de choses, je vais me coucher et le lendemain au réveil il a eu le temps d’y travailler de son côté. Donc on a appris à travailler avec ce décalage et la distance qui nous sépare. Quand il vient en France, à peu près une fois pas an, on se voit, car c’est aussi très important de se voir bien entendu. Il y a trente ans, je ne sais si cela aurait été possible, mais aujourd’hui oui.

Vous vous êtes attaqués à un personnage qui est féru de BD. C’est une motivation supplémentaire pour vous ?
Je ne le savais pas, je ne crois pas que je le savais. Je crois l’avoir appris lors du concert du Théâtre de la Ville à Paris. En tout cas, au départ j’imaginais bien que cela devait être quelqu’un qui en lisait bien mais pas à ce point. Il nous a dit qu’il avait acheté les originaux de Bob Morane. Donc quand on achète les originaux de Bob Morane, forcément on est pathologiquement fan de BD. Là on est dans la collectionnite. Mais on a découvert ça au fur et à mesure de la réalisation.
 
Textes IllustrésCe que vous saviez certainement, c’est que Dominique A avait déjà fait l’objet d’un ouvrage de BD avec Textes illustrés des Editions Charrette. C’est étonnant non tout cet intérêt qu’il suscite dans le milieu de la BD ?
Oui c’est vrai que c’est curieux, mais pourquoi, je ne sais pas. Peut-être que les gens qui écoutent Dominique A ont d’autres centres d’intérêt que la chanson, qu'ils lisent de la BD ou autre chose. Ce n’est pas un chanteur que pour amateurs de chansons. C’est un peu le sentiment que j’ai. L’auditeur de Dominique A est peut-être plus susceptible d’aller s’abreuver à différentes sources.

Arnaud Le Gouëfflec - Le Bon Temps de la Guillotine 3Lorsque l’on se penche sur votre bio, on s’aperçoit qu’il n’y a pas vraiment de limite. Vous écrivez des scénarios, des chansons pour adultes, d’autres pour enfants, des romans, plus loin dans le passé vous avez écrit des Guides touristiques préhistoriques… Le nom de votre structure s’appelle L’église de la petite folie, vous arborez un t-shirt de Daniel Johnston en page d’accueil de votre site internet, un personnage assez singulier… Bref on vous sent comme un électron libre.
Je ne me suis jamais trop posé la question. J’ai effectivement fait ce que j’avais envie de faire. Il y a plein de choses qui ne m’attirent pas et donc que je ne ferai jamais. J’ai commencé à écrire des chansons et des bouquins un peu en même temps. Les deux se faisaient un peu en interaction. Ce n’est pas le même temps d’écriture pour l’un et pour l’autre, ce ne sont pas les mêmes émotions. Mais les scénari pour la BD, c’est arrivé sur le tard, suite à des rencontres. C’est l’envie de collaborer avec des gens, mais il n’y a pas d’idée préconçue d’éclater des limites ou quoi que ce soit. Ce sont les opportunités de la vie qui font que…

Vous dites quoi lorsque vous vous présentez à quelqu’un ? Bonjour, je m’appelle Arnaud Le Gouefflec et je suis… ?
J’ai toujours vachement de mal à me présenter. Je suis toujours un peu mal à l’aise avec cet exercice là. Et en France, il faut toujours mettre une étiquette. Quand j’étais adolescent je lisais Jean Cocteau, mais j’étais aussi épaté par ses dessins, le fait qu’il ait fait aussi du cinéma... Sublimer ce que l’on a entre les mains, et voir ce que l’on peut en faire dans différents domaines, humblement. C’était pareil avec Boris Vian. Il apporté quelque chose. Il n’avait pas une sensibilité de chanteur. Il était complètement à côté de ce qu’il faisait à l’époque. Ca me fascinait oui. On pourrait aussi en effet reparler de Daniel Johnston, un chanteur qui dessine aussi, qui enregistrait lui même sa voix sur des cassettes (du moins au début en tous cas) avec là aussi un côté « do It Yourself ».

Soleil SerpentMauve
Quels sont les projets. La Boîte à Ooti s’est-elle attelée à un second album ?
Oui c’est en prévision, mais nous n’en sommes qu’au début, on est encore en train de cuisiner ça tranquillement. Avec John Trap on a sorti un album qui s’appelle Soleil Serpent, autour de textes du poète martiniquais Aimé Césaire. C’est une sorte d’exotica avec des percussions et des éléments ethniques. C’est tout frais puisque c’est sorti en novembre (sur L’église de la petite folie). Actuellement je suis occupé par la sortie de Mauve, un autre disque que j’ai réalisé cet été en compagnie d’un groupe renno-nantais qui s’appelle Jorge Bernstein and the Pioupioufuckers. C’est un projet qui m’occupe pas mal en ce moment puisque l’on va essayer de le jouer sur scène à droite à gauche. Et enfin j’ai un roman qui va sortir chez Gingko Editeur en avril-mai.

Merci à Arnaud, et à Olivier pour ses trois dessins exclusifs.

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