Mark Hollis

Mark Hollis par Dominique A
© Martyn Goodacre

Mark Hollis est mort et beaucoup de personnes de par le monde en sont affectées. J’en fais partie. C’est étrange d’être affecté par la disparition de quelqu’un qu’on n’a jamais rencontré ; mais on ne se résout jamais à voir partir ceux qui vous ont guidé artistiquement, fait découvrir des paysages insoupçonnés, ceux dont la seule idée qu’ils existent sur cette planète vous rassure quant à vos semblables.

Mark Hollis est mort et tout le monde y va de son éloge de l’effacement, de la parole rare qui ne redoute pas le silence, et tout le monde retourne à son compte Instagram, moi comme les autres.

Laughing Stock Talk TalkIl ne participait plus au paysage musical contemporain, mais l’habitait comme jamais pour celles et ceux qui connaissaient son œuvre, et en particulier le dernier album de Talk Talk, « Laughing Stock » : parce que le temps passant, tous les disques sortis peuvent raisonnablement être jugés à l’aune de ce disque là. Si accomplis, si libres, si justes soient certains d’entre eux, aucun ne me semble l’être autant que celui-ci (sauf « L’imprudence », peut être).

C’est une musique inépuisable, dont on ne fait jamais le tour, parce qu’on ne peut pas comprendre comment elle a été conçue : on peut repérer des filiations, trouver des points de convergence avec d’autres musiques, mais jamais la cerner totalement, ni définir un quelconque modus operandi. Elle a à voir avec le blues, avec un certain pastoralisme folk aussi, comme Nick Drake, sans jamais s’y réduire. Elle n’assène rien, elle contemple, amène à contempler : le paysage est apaisant, libéré de toute énergie mauvaise. Impressionniste, elle impressionne, car elle ne revendique rien d’autre que le droit à la beauté. Elle est un soufflet permanent envers l’arrogance et la vulgarité de la pop mainstream contemporaine et ses mouvements de mentons perpétuels.

Mark Hollis n’avait rien produit publiquement depuis une vingtaine d’années, mais il est logique qu’une musique qui repose tant sur la dynamique, au rapport entre le son le plus ténu et le son le plus fort, n’ait pu s’accommoder du tunnel sonore du format numérique, qui écrase, et éradique justement la dynamique. Mark Hollis fût l’un des derniers artisans pop (au sens large) à poser comme fondement de sa musique ce rapport à la dynamique, qui rend vain la recherche perpétuelle du gros son, qui, quoiqu’on en dise, prévaut toujours, avec cette confusion perpétuellement entretenue entre puissance et agressivité.

En Angleterre, dans la presse, on pleure un génie, en France un grand créateur intègre ; en France, on ne pleure pas assez, on comprendra trop tard, ou pas, accaparés par la mort de nos gloires locales. Pas grave : Mark Hollis, avant de disparaître, avait déjà disparu, et sa musique a continué à vivre en et avec nous. Il n’y a pas de raison qu’il en soit autrement durant le temps qui nous reste.



Dominique.

Concerts

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